[Derrière le miroir] Angela Calaprice
Chaque année depuis 10 ans, l’École de Traduction Littéraire (ETL) accueille au sein de l’Asfored celles et ceux qui souhaitent vivre pleinement l’aventure de la traduction. Nous nous sommes entretenus avec Angela Calaprice, ancienne stagiaire de l’ETL.
Découvrez son témoignage.
Quelle est votre vision de la traduction ?
La traduction pour moi, c’est une grande affaire. Comme je suis plutôt perfectionniste, j’ai tendance à beaucoup pinailler sur un texte, et à regarder tous les détails qu’il comporte, de façon à essayer de rendre le plus fidèlement possible les images, pour faire en sorte que le lecteur soit en mesure de goûter, de savourer le sens et la magie qui se dégage d’un texte; ce travail sur le texte m’intéresse beaucoup. D’abord, le texte doit me plaire, parce que je ne pourrais pas traduire n’importe quoi. Il faut qu’il y ait un lien affectif avec le texte. Je dois avoir envie de faire cette recherche, qui est une recherche non seulement rationnelle mais aussi affective, presque sensuelle. J’ai cette relation assez primitive avec le texte. Je trouve que le texte est un bijou qui demande un art de la ciselure, de la précision, c’est très important et cela demande beaucoup d’attention. J’ai toujours la sensation de passer énormément de temps sur les textes pour bien les apprivoiser, les comprendre, et je ne suis pas sûre d’arriver forcément au résultat que j’aimerais obtenir parce que parfois il y a des choses qui sont difficiles à rendre et qui me laissent peu satisfaite. Mais c’est le risque à courir quand on traduit. On ne peut pas non plus rester complètement collé au texte d’origine.
Qu’est-ce qui vous a menée vers la traduction ?
C’est une longue histoire ! J’ai commencé à faire de la traduction quand j’étais à l’université, à Vérone, j’ai fait une bonne partie de mes études en Italie, où je me suis frottée à cet exercice très difficile mais j’ai eu la chance d’avoir de très bons professeurs dont des lecteurs en Français qui venaient travailler en collaboration avec les professeurs titulaires de l’université et qui nous ont formés et sensibilisés à cet exercice. Ensuite, j’ai continué à faire un peu de traduction, même si je me suis plutôt orientée vers l’enseignement parce que j’ai toujours voulu être professeure. La traduction a repris le dessus dans les années 2010 quand j’ai découvert l’ETL et que j’avais envie de faire autre chose que l’enseignement, de me former encore plus et découvrir autre chose. Entre temps, j’ai vécu en France. La traduction est une ancienne passion pour moi, qui a des racines très lointaines mais qui me satisfait toujours autant et me donne envie de continuer dans cette voie parallèlement à mon métier d’enseignante.
Racontez-nous votre parcours ...
J’ai un parcours particulier : je suis italienne (et française depuis 2012), j’ai fait mes études universitaires à Vérone et je suis venue en France pour préparer mon mémoire de maîtrise; puis j’ai travaillé comme assistante et comme lectrice à l’université de Grenoble où j’ai continué de faire de la traduction avec les étudiants. Par la suite, la vie a fait que j’ai passé et obtenu le concours de l’agrégation et j’ai eu mon poste d’enseignante d’italien en France. En 2012 j’ai découvert, tout à fait par hasard, qu’Olivier Mannoni ouvrait une école de traduction littéraire à Paris, et ça a réveillé cette passion qui somnolait en moi. À cette époque, je ne pouvais pas prétendre à m’inscrire à l’école parce qu’on demandait des traducteurs ayant déjà publié des traductions, ce qui n’était pas mon cas, même si j’avais fait quelques traductions d’articles dans des revues. En revanche, il y avait la possibilité d’assister aux cours de l’ETL de temps en temps. Petit à petit, j’ai découvert un monde que je ne connaissais pas : le monde de l’édition en particulier. Comme je ne pouvais pas prétendre à m’inscrire à l’ETL, j’ai opté pour une autre formation à Bruxelles, au Centre Européen de Traduction Littéraire, avec des cours par correspondance. C’était une double formation pour traduire vers le français et vers l’italien et j’ai fait de nombreux exercices avec un grand nombre de traducteurs que j’ai ensuite retrouvés à l’ETL quand je me suis finalement inscrite en 2020. J’ai terminé ma formation au CETL de Bruxelles avec la soutenance d’un mémoire et j’ai débuté l’année suivante ma formation à l’ETL. J’ai été ravie car les deux formations sont complémentaires : si à Bruxelles j’ai fait un travail sur les textes, à Paris, j’ai eu cette rencontre éclairante avec le monde de l’édition qui a complété mon parcours. Cela m’a donné une autre idée de ce que pouvait être la traduction littéraire.
Qu’est-ce que l’ETL vous a apporté ?
La formation de l’ETL n’est pas seulement le fait d’aller à l’école et de suivre des cours : on a la possibilité de rencontrer d’autres stagiaires qui, comme nous, recherchent autre chose. Ce que j’ai trouvé très bien, c’est que pendant l’année 2020, nous n’étions que des femmes et il s’est créé une solidarité, une sororité très belle. Nous sommes toujours en contact, ce qui permet aussi de s’entraider, de partager, de se soutenir, et je le trouve magnifique ! Il y en a toujours une d’entre nous qui a un mot gentil, d’encouragement, qui trouve une solution providentielle pour nous aider dans nos démarches. On met tout ça ensemble et je trouve que ça permet de garder le côté vivant de la formation qu’on a eue. Ce n’est pas que du « technique », c’est du vivant.
Et maintenant, où en êtes-vous ?
Pour l’instant, j’ai fait quelques petites traductions vers l’italien, par plaisir, ces dernières années. J’ai traduit un roman vers le français pour les Éditions Do, qui est sorti en avril. Je suis en train de chercher un éditeur qui serait intéressé pour la traduction d’un essai qui se situe à la limite entre la philosophie et les sciences humaines. D’ailleurs, mes recherches me conduisent souvent vers le passé : par exemple, le roman que j’ai traduit pour les Édition Do est un vieux roman qui était sorti du circuit littéraire italien, que j’ai découvert par hasard et qui m’a beaucoup intéressée. J’ai voulu le reprendre et le faire connaître aux lecteurs français. J’ai eu la chance de trouver l’éditeur Do qui a tout de suite manifesté un grand intérêt pour la chose et je suis très reconnaissante envers lui de m’avoir fait confiance. Je suis contente d’avoir exhumé ce roman, devenu un roman culte dans les milieux turinois de l’époque mais qui avait complètement disparu du panorama littéraire italien. Je continue à effectuer des recherches en ce sens, c’est-à-dire de manière à découvrir ou redécouvrir des écrits oubliés pour différentes raisons, ou parfois même volontairement oubliés parce qu’ils étaient gênants et donc j’aime aller fouiner dans le passé : parce qu’il y a des périodes qui sont très riches qui ne sont pas tout à fait connues dans les études ou lesrecherches littéraires en Italie. C’est un domaine qui m’intéresse beaucoup et que je continue à explorer.
Un dernier mot pour nos futurs stagiaires de l’ETL ?
Je leur dirais, si vous avez envie, si vous avez le temps, allez-y sans aucun problème et sans retenue, si j’ose dire ! C’est vraiment une expérience formatrice et fondatrice, d’autant plus que vous entrez en contact avec une communauté, même d’anciens stagiaires qui sont passés par l’ETL, qui sont déjà actifs sur le marché du travail de la traduction. On crée des liens qui ont une valeur extraordinaire. Tant du point de vue professionnel, technique, que du point de vue humain, je vous invite chaleureusement à faire cette expérience parce qu’elle est vraiment bien !
Découvrez la vidéo de son interview en suivant ce lien.
Comme Angela Calaprice, si vous souhaitez vous lancer dans la traduction, rejoignez l’ETL !
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